
Le numérique mondial repose sur un réseau de datacenters dont le rôle dépasse largement le seul cloud public. Ils alimentent les services en ligne, les systèmes financiers, les réseaux télécoms, les outils d’IA, les plateformes industrielles et les infrastructures publiques.
Aujourd’hui, environ 60 % de ces installations soutiennent directement ou indirectement des plateformes cloud (Synergy Research Group, 2023), mais leur périmètre réel va bien au-delà.
Avec l’augmentation des usages et la densité croissante des serveurs, ces sites sont devenus l’une des pierres angulaires de l’économie mondiale. Ils représentent également 2 à 3 % de la consommation électrique globale — une proportion qui pourrait monter fortement d’ici 2030 et atteindre 7%. (IEA, 2023)
Le défi n’est pas uniquement de réduire le numérique, mais de faire évoluer ces infrastructures pour qu’elles deviennent soutenables à long terme.
Bienvenue dans l’ère des datacenters verts.
Chaque recherche, chaque vidéo, chaque sauvegarde est hébergée quelque part. Plus le monde se digitalise, plus le besoin de stockage, de calcul et de connectivité explose. Résultat : les datacenters deviennent des gouffres énergétiques. Ce n’est pas une découverte, c’est une conséquence logique de notre mode de vie connecté. Mais cette croissance, si elle est mal encadrée, pourrait vite devenir insoutenable.
Cette croissance n’est pas le résultat d’un seul facteur :
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Un datacenter “vert” commence bien avant l’installation du premier serveur. La durabilité se joue dans l’emplacement, la structure, les choix énergétiques et la capacité à limiter les pertes thermiques.
La conception moderne s’appuie sur quatre leviers :
le climat local, pour réduire les besoins de refroidissement ;
les énergies renouvelables, intégrées à l’alimentation ou sécurisées par contrat ;
une architecture thermique efficace, limitant les points chauds ;
une régulation dynamique, qui adapte l’infrastructure en temps réel.
Ces approches permettent d’atteindre des PUE (Power Usage Effectiveness) proches de 1,1, contre des valeurs historiquement autour de 2.
OVHcloud préfère le refroidissement innovant, avec son système historique de watercooling, devenu une marque de fabrique. D’autres expérimentent l’immersion cooling, qui supprime totalement la climatisation mécanique pour certaines charges de travail.
Google et Microsoft investissent massivement dans des contrats d’achat d’énergie renouvelable (PPA). L’objectif n’est plus seulement d’acheter de l’électricité verte, mais de garantir une alimentation 100 % renouvelable, heure par heure, ce qui représente un changement majeur dans l’industrie.

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La majorité de l’empreinte carbone d’un serveur se situe avant même sa mise en service. La fabrication d’un équipement — extraction des métaux, assemblage, transport — représente une part massive de son impact total. La fabrication d’un serveur peut représenter jusqu’à 70 % de son empreinte carbone totale (source : ADEME, 2022).
C’est pourquoi prolonger la durée de vie des serveurs est aujourd’hui l’une des stratégies les plus efficaces, même si elle reste moins visible que les innovations technologiques.
Cette sobriété matérielle prend plusieurs formes :
réutilisation interne de composants ;
déploiement de serveurs reconditionnés pour certaines charges ;
maintenance TPM pour rallonger les cycles d’usage ;
démantèlement responsable et valorisation des métaux rares.
Google, par exemple, a réintégré 27 % de pièces reconditionnées dans ses datacenters en 2022 (Google Circularity Report), mais l’important n’est pas l’exemple : c’est la démonstration qu’un modèle circulaire est techniquement viable à grande échelle. Beaucoup d’opérateurs télécoms adoptent la maintenance TPM pour prolonger la durée de vie de leurs équipements de 3 à 5 ans. Aussi, on peut extraire les métaux stratégiques (cuivre, argent, palladium, terres rares) lors du démantèlement. Cette logique d’économie circulaire réduit la dépendance aux chaînes d’approvisionnement critiques — un enjeu géopolitique majeur.
La circularité n’est pas un concept marketing : c’est une stratégie industrielle.
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Pendant longtemps, le débat sur les datacenters s’est focalisé sur l’électricité. Mais une autre ressource est devenue tout aussi critique : l’eau.
De nombreux systèmes de refroidissement nécessitent en effet de grandes quantités d’eau, spécialement dans les régions chaudes. Dans certaines régions, un datacenter peut consommer plusieurs millions de litres par jour pour le refroidissement en période de chaleur.
Cette demande peut devenir problématique dans des zones soumises au stress hydrique.
C’est là que de nouvelles approches apparaissent :
boucles d’eau fermées pour éviter l’évaporation ;
refroidissement “dry” quasi sans eau ;
récupération d’eaux non potables ou industrielles ;
immersion cooling avec liquides diélectriques.
L’exemple du site Google de The Dalles a mis en lumière ces tensions, mais il illustre surtout la nécessité de concevoir des solutions adaptées aux ressources locales. À Hamina, ils utilisent de l’eau de mer non potable pour leur systeme de refroidissement.
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L’optimisation ne se joue pas uniquement dans les infrastructures : elle se joue aussi dans la manière dont elles sont exploitées.
Les approches GreenOps consistent à :
mieux répartir les charges,
identifier les ressources sous-utilisées,
ajuster automatiquement l’allocation CPU/RAM,
éliminer les “workloads zombies”,
aligner performance et sobriété.
L’IA joue un rôle de plus en plus important dans cette régulation.
Google, en collaboration avec DeepMind, a réduit jusqu’à 40 % l’énergie liée au refroidissement grâce à une optimisation en temps réel. Là encore, l’objectif n’est pas de multiplier les anecdotes, mais de montrer vers quoi l’industrie se dirige : une automation fine qui améliore la performance tout en réduisant la consommation.

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La prochaine étape de la transition consiste à penser le datacenter comme un acteur du territoire plutôt qu’un bloc isolé.
Plusieurs pistes émergent :
réutilisation de la chaleur pour alimenter des réseaux urbains (ex. Stockholm, Paris) ;
réhabilitation d’infrastructures existantes comme des tunnels, mines ou bâtiments industriels ;
datacenters modulaires et plus légers, adaptés aux besoins locaux ;
mix énergétique hybride associant solaire, éolien, hydraulique ou biométhane.
Le datacenter devient alors une infrastructure connectée, intégrée, optimisée, et non plus un site énergivore déconnecté de son environnement. À Stockholm, certains datacenters chauffent des milliers de logements via le réseau urbain. À Paris, les installations de Telehouse participent à la montée en température de bâtiments publics.
En Suède, Meta à Luleå utilise le froid extérieur pour limiter la climatisation — (Meta Sustainability Report). Certaines municipalités utilisent d’anciens bunkers militaires ou tunnels ferroviaires pour stabiliser thermiquement les installations. De nombreux opérateurs nordiques tirent parti des températures locales pour réduire jusqu’à 80 % des besoins en climatisation.
La transition vers des datacenters verts n’est plus une idée : c’est un mouvement en cours, porté par des enjeux techniques, économiques et climatiques.
De la conception aux opérations, en passant par la circularité du matériel et les innovations de refroidissement, chaque levier contribue à bâtir des infrastructures plus durables.
Et plus que jamais, il devient clair que le numérique de demain reposera sur des datacenters intelligents, sobres et mieux intégrés à leur environnement.
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Team WeeeDoIT